Octobre 2018
« Code des Impôts » de Dubout
Éclairage sur le droit à déduction des succursales concernant les couts alloués au siège Affaire C-165/17 Morgan Stanley & Co c/ Ministre de l’Économie et des Finances – 3 octobre 2018
Le 3 octobre dernier, ont été publiées les conclusions[1] de l’Avocat Général attendues sur l’affaire Morgan Stanley : des propositions de clarifications ont été apportées quant aux modalités de déductibilité de la TVA sur les dépenses supportées par une succursale bancaire et réallouées partiellement au siège. Il ne reste plus que la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne qui, nous croyons, suivra les conclusions de son Avocat Général.
Rappel des Faits :
La succursale française de Morgan Stanley ayant une activité financière a subi deux redressements de TVA de 2002 à 2009 . Cette succursale réalisait à la fois des opérations bancaires et financières pour des clients en France (une option à la TVA avait été exercée) et pour le compte du siège situé à Londres.
Après avoir refusé le droit à déduction de la TVA ayant grevé les dépenses pour le compte du siège, l’administration fiscale a tempéré sa position en acceptant la déduction de la TVA en référence au prorata partiel de déduction du siège londonien (corrigé du chiffre d’affaires français et des règles françaises).
Les questions de droit :
L’affaire passant devant le Conseil d’État, celui-ci a confirmé le droit à déduction de la succursale sur ces opérations (interprétation de l’ordonnance du 21 juin 2016, ESET C-393/15, non publiée). Il a néanmoins considéré que les modalités de déduction devaient être précisées par la Cour de Justice de l’Union Européenne et a donc posé deux questions :
1. Fallait-il appliquer pour les opérations exclusivement rattachées au siège:
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Le prorata de déduction de la succursale acquittant les frais ? (position de Morgan Stanley)
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Le prorata de déduction du siège ?
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Un prorata de déduction spécifique, faisant une combinaison des règles de calcul du siège et de l’État de la succursale ? (approche du Gouvernement français et de la Commission Européenne)
2. Fallait-il appliquer pour les opérations « mixtes » bénéficiant à la succursale et au siège un prorata général de déduction ? si oui, comment celui-ci devait être déterminé ?
Les réponses de l’Avocat Général :
Réponse 1 : Très fortement critique à l’égard de la défense de Morgan Stanley, l’Avocat Général considère que la succursale doit avoir un droit à déduction qui dépend de l’affectation de la dépense par le siège.
La TVA sur les dépenses sera :
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Déductible si les opérations auxquelles elle s’affectent et facturées par le siège constituent des opérations taxables (et qu’elles le sont également au niveau de la succursale conformément au droit local),
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Non déductible si les opérations facturées par le siège n’ouvrent pas droit à déduction (tant au regard des règles du siège et que des règles de la succursale)
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Partiellement déductibles si les dépenses concourent à la réalisation d’opérations mixtes facturées par le siège.
Réponse 2 : Donnant raison au Gouvernement français, l’Avocat Général indique que les dépenses profitant à la fois à l’activité de la succursale et celle du siège sont considérées des frais généraux, dont la déductibilité doit être déterminée à partir d’un prorata unique.
Il est rappelé que les frais généraux sont considérés comme des éléments constitutifs du prix des prestations rendues au titre de l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti.
Le prorata devra être alors déterminé de la manière suivante :
Prorata = (CA réalisé par la succursale ouvrant droit à déduction + CA réalisé par le siège se rapportant aux opérations ouvrant droit à déduction au siège) / Total CA de la succursale avec tiers + Total CA du siège avec tiers
On retiendra également des conclusions, qu’un siège et ses succursales constituent un seul et même assujetti au regard de la TVA, qu’une opération entre un siège et sa succursale non indépendante ne constitue pas une opération pour la TVA.
La solution retenue par l’Avocat Général nécessite finalement que la succursale connaisse les règles d’application de la TVA dans l’État de la succursale ou du siège utilisant le service au profit d’une opération facturée à un tiers. Cette complexité résulte du choix de vouloir opérer sous la forme de succursale, rappelle l’Avocat Général. Les différences admises entre la succursale et la filiale sont de plus en plus assumées par les Institutions européennes…
Difficile d’imaginer que la Cour de Justice de l’Union Européenne s’opposera aux conclusions de son Avocat général et dans quelle mesure. En attendant, certaines solutions peuvent être envisagées pour écarter l’incertitude de l’étendue du droit à déduction.
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